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Terrains contaminés : héritage empoisonné

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4 février 2014
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Par Hugo Joncas

L’héritage empoisonné qu’a laissé 160 ans d’industrialisation au Québec est difficile à mesurer précisément. Mais une chose est claire : les friches toxiques sont partout, et surtout en plein cœur des villes, à un jet de pierre des quartiers résidentiels.

Les données ouvertes des gouvernements québécois et fédéral répertorient plus de 5500 terrains toujours contaminés dans la province. Nous les avons placés sur une carte interactive exclusive réalisée par le journal Les Affaires de TC Media. Enquête sur un legs toxique.

Dans les anciens quartiers ouvriers, les ports, sous la station-service la plus près de chez vous… Les terrains contaminés sont partout, démontre notre carte. Mais les géants historiques de l’économie québécoise dominent le tableau : pétrolières, Hydro-Québec, chemins de fer, alumineries, forestières...

Aux quatre coins de la province, les poids lourds industriels ont créé des centaines de milliers d’emplois. Mais ils ont aussi laissé un vaste archipel de sites toxiques : hydrocarbures, BPC, métaux lourds, cyanure, arsenic…

Sur notre carte, chaque point correspond à un terrain que les autorités considèrent toujours souillé, enregistré dans le Répertoire des terrains contaminés québécois ou dans L’Inventaire des sites contaminés fédéraux. Les Affaires a enquêté pour ressortir quelques squelettes des placards, à raison de visites clandestines de terrains, de multiples demandes d’accès à l’information et en obtenant de nombreux documents confidentiels.

Le public dans le brouillard

L’enquête du journal Les Affaires permet également de mesurer l’épais brouillard dans lequel avance le ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP) lorsqu’il s’agit de protéger le public et l’environnement contre la pollution industrielle.

« On ne connaît pas l’envergure des terrains contaminés », dit Daniel Gill, professeur à l’Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal et auteur d’une étude sur la réhabilitation de ces sites. Dans la plupart des cas, « l’inscription d’un lieu au Répertoire des terrains contaminés est volontaire », souligne-t-il. « Aucun propriétaire n’a intérêt à l’enregistrer. »

À l’inverse, des travaux de décontamination ont déjà été réalisés sur certains terrains sans que le MDDEFP n’en soit informé. « C’est sûr qu’on n’a pas un portrait global », convient Renée Gauthier, chef de division, orientations et développement, au service des lieux contaminés et des matières dangereuses du Ministère.

« On n’a pas choisi d’exiger que tous les gens ayant un terrain contaminé viennent nous le dire, explique-t-elle. Dans le cas contraire, il y aurait eu une logistique complexe pour garder le contrôle. »

En gros, seuls les terrains industriels sont à déclaration obligatoire. Et l’enquête de Les Affaires démontre que même sur ces sites, l’information arrive au compte-goutte, et leur décontamination peut facilement prendre plus de 10 ans.

Hydrocarbures aromatiques, BPC, plomb, mercure, arsenic… Plusieurs des substances contenues dans ces sites sont pourtant cancérigènes, voire carrément toxiques. « Ce sont des contaminants avec des effets très graves sur la santé publique, particulièrement celle des enfants, dit Maryse Bouchard, professeure adjointe au Département de santé environnementale et santé au travail à l’Université de Montréal et chercheuse à l’hôpital Sainte-Justine. Et c’est quelque chose qu’on peut éviter. »

Québec manque d’informations sur les terrains contaminés de la province, pense Émilien Pelletier, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écotoxicologie marine de l’Université du Québec à Rimouski. « C’est essentiel de savoir où ils sont et de les caractériser beaucoup mieux qu’en ce moment. »

Les propriétaires qui omettent de mettre à jour les informations sur leurs terrains sont en infraction. Selon la Loi sur la qualité de l’environnement, « les industriels doivent remettre un rapport accrédité par un expert » une fois les travaux de décontamination réalisés.

Mais le MDDEFP use rarement des moyens légaux à sa disposition pour s’assurer de l’exactitude des informations sur les terrains contaminés. Les fonctionnaires réactivent surtout les dossiers « oubliés » lorsque la propriété doit changer de propriétaire ou d’usage, dit Mathieu Marchand, responsable du pôle industriel au Ministère. « Quand il y a des pressions exercées par des promoteurs ou des consultants, qui veulent approcher le propriétaire du terrain, on a des appels pour faire la mise à jour. »

Le ministre ne commente pas

Les Affaires a contacté l’attachée de presse d’Yves-François Blanchet, ministre du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs. Après avoir lourdement insisté, nous nous sommes fait promettre une entrevue. Mais le cabinet a reculé.

Selon Catherine Salvail, le ministre « salue » notre démarche. « Ce dossier l’interpelle particulièrement, puisqu’il peut engendrer des conséquences importantes pour la santé des citoyens, notamment par son impact sur la nappe phréatique, mais aussi la proximité des résidants des secteurs touchés avec des matières toxiques », écrit-elle dans un courriel, plus de deux mois après notre première demande d’entrevue.

« Dans le plus grand respect pour la complexité et l’ampleur du travail que vous avez effectué, le ministre ne croit pas pouvoir aller au fond des questions que vous aurez certainement, avant d’avoir pu prendre connaissance de votre dossier », ajoute Mme Salvail.

Pour consulter la carte interactive, visitez lesaffaires.com.

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