Une soixantaine de fugues dans la région depuis 2011

Par Isabelle Laramée
Sasha* est en fugue depuis cinq jours, cette fugueuse régulière s’est réfugiée chez une amie. Fâchée contre ses parents, Sandrine* a quitté la maison. Par chance, elle est retrouvée à Montréal le lendemain. Quant à Rémi*, il n'en est pas à sa première fugue. Consommateur et vendeur de drogues, sa mère doit appeler la DPJ à la suite de nombreuses disparitions signalées à la police.
Ces dossiers existent réellement dans les filières de la Régie intermunicipale de police Richelieu−Saint-Laurent. Depuis le 1er janvier 2011, une soixantaine de fugues ont été répertoriées sur le territoire de Beloeil et de Mont-Saint-Hilaire.
Bien que la majorité de ces fugues aient été de courte durée (moins de 24 h), les disparitions de jeunes sont toujours traitées en priorité.
« Une fugue est une fugue! On ne peut pas en connaître la cause au départ et c’est pourquoi elles sont traitées rapidement. Les filles sont exposées à tomber en amour avec un proxénète. Il peut y avoir d'importantes répercussions », explique le sergent Pierre Tremblay, responsable des communications à la Régie intermunicipale de police Richelieu−Saint-Laurent.
L’âge médian des fugueurs est de 14-15 ans, selon les rapports de la Régie. Les filles et les garçons ne fuguent toutefois pas pour les mêmes raisons.
« Généralement, les filles fuguent pour aller rejoindre les gars, et les gars fuguent pour se droguer ou boire de l’alcool, indique le Sergent Tremblay. Il y a donc soit une dépendance à la consommation ou une dépendance affective. »
Les écoles sont aussi une place de prédilection pour les fugueurs. « Il y a beaucoup de fugues dans les écoles, mentionne Pierre Tremblay. Souvent, les jeunes ont des problèmes de comportement. Les fugueurs se sont généralement déjà démarqués avant leur départ, soit par des conflits ou par la consommation de drogues. »
Alors que l’école buissonnière est plus fréquente chez garçons, les filles partent pour leur part majoritairement de la résidence familiale, selon la Régie. Elles quittent la maison, à l’encontre des recommandations parentales, pour rejoindre ce qu’elles croient être leur « prince charmant ». Mais leur conte de fées peut facilement se transformer en cauchemar.
Proies faciles
Avec l'arrivée progressive des gangs de rue sur le territoire de la Vallée-du-Richelieu, les autorités sont inquiètes pour les jeunes fugueuses. Le projet Mobilis, mis sur pied en 2008 par le Centre jeunesse de la Montérégie et le Service de police de l’agglomération de Longueuil, lutte d'ailleurs contre l’exploitation sexuelle des filles par les gangs.
Dans une entrevue accordée à l’émission destinée aux intervenants Les rendez-vous policiers, la conseillère du projet Mobilis au Centre jeunesse de la Montérégie, Pascale Philibert, souligne que les huit gangs de rue répertoriés dans la région de Longueuil exploitent un réseau de prostitution juvénile.
« Les filles qui entrent dans l’exploitation sexuelle commencent à 14 ans environ, dit-elle. Mais les premiers contacts avec les gangs se font à 12 ou 13 ans. Toutes les filles sont ciblées, peu importe leur classe sociale. Dès qu’elles sont plus aventureuses, qu'elles ont le goût de vivre des émotions fortes ou qu'elles aiment les bad boys, elles sont visées. »
Mme Philibert ajoute que les jeunes fugueuses se mettent inévitablement en danger. « Elles vont devenir très vulnérables, car à ce moment-là, il n’y a plus d’adulte autour d’elles pour les aider dans ses choix. Elles vont accepter n’importe quoi. Elles sont amoureuses des garçons. Elles se feront gâter au début, mais devront éventuellement rembourser », dit-elle, précisant qu’une jeune femme peut rapporter quotidiennement entre 200 $ et 1500 $ à son proxénète.
C’est à ce moment, une fois manipulée, que l’exploitation sexuelle des jeunes filles débute. « Le gars lui dira qu’il a des problèmes d’argent et elle devra l’aider », mentionne le sergent Tremblay. Les terminus d’autobus, les écoles secondaires et les réseaux sociaux sont les endroits que privilégient les proxénètes à la recherche de « nouvelles proies ».
Depuis sa création, le projet Mobilis a permis 81 accusations et à la désaffiliation de 113 jeunes filles à des gangs de rue.
* Noms fictifs pour préserver l'identité des fugueurs.
Pour lire la suite de notre dossier : Dix fugues par jour au Québec
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