Churchill Falls: Carney est prêt à délier les cordons de la bourse fédérale

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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Il semble clair qu’Ottawa n’attend qu’une entente entre Québec et Terre-Neuve-et-Labrador pour venir injecter de l’argent dans le développement du projet de 25 milliards $ d’Hydro-Québec dans la province atlantique.
De passage à Montréal vendredi pour faire la promotion de son budget, le premier ministre Mark Carney est allé aussi loin qu’il le pouvait sans officiellement annoncer que ce projet de construction de deux nouvelles centrales et d’augmentation de la puissance de celle de Churchill Falls viendrait s’ajouter à la liste de soutien de son nouveau Bureau des grands projets.
Chaleureusement accueilli par quelque 700 gens d’affaires venus l’entendre à l’invitation de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Mark Carney a d’abord rappelé que «le Québec moderne a été bâti par des visionnaires qui ont misé sur l’électrification».
Il a ensuite salué le fait qu’«aujourd’hui, le Québec se tourne à nouveau vers ses grands bâtisseurs avec des projets comme l’entente avec Terre-Neuve-et-Labrador. Et le gouvernement fédéral aussi va jouer son rôle. Le budget prévoit des mesures incitatives pour l’électricité propre et le Bureau des grands projets va accélérer les projets qui vont faire du Canada une superpuissance énergétique propre.»
D'abord une entente avec Terre-Neuve
À l’issue de son allocution, la ministre québécoise de l’Économie et de l’Énergie, Christine Fréchette, a pris bien soin de ne pas vendre la peau de l’ours trop rapidement, rappelant que l’élection récente du gouvernement progressiste-conservateur de Tony Wakeham était venue mêler les cartes, alors que l’entente de principe n’était toujours pas entérinée. «Il y a un nouveau gouvernement qui a été élu à Terre-Neuve, il faut avoir des discussions avec ce nouveau gouvernement-là.»
Pressée davantage, Mme Fréchette a vanté le projet comme étant gagnant-gagnant pour le Québec et pour Terre-Neuve-et-Labrador et que si l’entente devait finalement être conclue, «le fédéral, bien certainement, va vouloir que ça aille de l'avant, considérant que ça constitue un corridor énergétique de grande importance et qui est très stratégique. Si c'est possible effectivement qu'on puisse s'insérer dans les sources de financement fédérales pour ce projet-là, ce sera très bienvenu.»
Le climat semble par ailleurs très bon entre Québec et Ottawa, alors que le premier ministre Carney a réitéré sa volonté d’alléger le processus menant à l’approbation de grands projets, notamment en évitant de dédoubler les évaluations environnementales. «Nous avons signé avec quelques provinces des accords de 'One Project, One Review' (un projet, une évaluation), des accords de coopération et, simplement dit, si nous avons assez confiance dans la réglementation environnementale, par exemple du Québec, ce n'est plus nécessaire d'avoir une revue à l'échelle fédérale.»
Ouverture fédérale
Mark Carney a ajouté qu’Ottawa a déjà conclu des accords de telle nature avec certaines provinces et que «c'est le moment d'avoir un accord entre le Québec et le fédéral. (…) Et on a confiance au Québec, dans plusieurs domaines».
À l'issue de l'allocution de M. Carney, Christine Fréchette a dit voir l'approche de celui-ci de manière positive. «Nous devons diminuer la paperasse et c’est une façon intéressante de le faire. Si le gouvernement fédéral peut s’appuyer sur notre propre évaluation de différents projets stratégiques, ce sera une bonne chose.»
À ses côtés, son collègue des Finances, Eric Girard, abondait dans le même sens, qualifiant l’approche de «principe général qui sera appliqué à tous les projets stratégiques nationaux, une évaluation, préférablement celle du Québec».
Interrogée quant à savoir si elle pourrait vivre avec une seule évaluation, mais qui serait réalisée par le gouvernement fédéral, Christine Fréchette s’est toutefois rangée derrière la position traditionnelle du Québec: «Nous préférons que les règles québécoises prévalent et le gouvernement fédéral a suggéré que cela pourrait être la façon de faire, alors j’espère que nous pourrons nous appuyer sur nos propres réglementations.»
Mark Carney, qui ne s’est pas présenté devant les journalistes, a soulevé l’enthousiasme des gens d’affaires à quelques reprises. Expliquant que le Canada avait la marge de manœuvre suffisante pour creuser le déficit en investissant davantage, le premier ministre a conclu son passage en affirmant que «c'est le moment de l'audace, et vous avez un gouvernement fédéral confiant, avec un plan, avec de l'audace». Saluant du même souffle l’audace de la communauté d’affaires québécoise, il s’est dit privilégié de pouvoir rencontrer des dirigeants à travers le monde – «sauf un pays», a-t-il précisé, faisant allusion aux États-Unis, évidemment – parce que «tout le monde veut être associé avec le Canada, faire plus de commerce, plus d'investissement».
Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne