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L'attaque à Vancouver peut déclencher un traumatisme collectif, selon des experts

durée 18h11
30 avril 2025
La Presse Canadienne, 2024
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4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

VANCOUVER — Le deuil collectif à la suite de l'attaque à la voiture bélier perpétrée lors d'un festival philippin, à Vancouver, qui a fait 11 morts ce week-end, persistera probablement pendant des mois, préviennent les experts en santé mentale de la Colombie-Britannique.

«Les événements traumatisants, le deuil, ne se résolvent pas en une ou deux semaines, ni en quelques mois», a expliqué Heather Mohan, conseillère clinicienne et directrice générale de l'association caritative Lumara Grief and Bereavement Care Society.

Au total, onze personnes ont été tuées et des dizaines d'autres blessées lorsqu'un véhicule a traversé à toute vitesse une rue bondée et bordée de camion de restauration lors du festival Lupa Lupa, projetant des victimes dans les airs. Le suspect, âgé de 30 ans, fait face à huit chefs d'accusation de meurtre au deuxième degré jusqu'à présent. La police a annoncé que d'autres accusations étaient attendues.

Une telle attaque, tout comme les catastrophes environnementales, les suicides en série et les fusillades de masse, peut déclencher un traumatisme collectif, a affirmé Seth Abrutyn, professeur de sociologie à l'Université de la Colombie-Britannique.

Le traumatisme collectif est la «destruction soudaine et aiguë des infrastructures sociales», y compris des liens sociaux et des relations communautaires, a-t-il expliqué. Ce concept, a-t-il précisé, a été identifié il y a plus d'un demi-siècle par un sociologue qui étudiait les conséquences d'une inondation ayant ravagé une ville dans les années 1970.

M. Abrutyn a ajouté que des recherches ont montré que les répercussions d'un tel événement peuvent se propager au-delà des personnes blessées ou témoins, et toucher la communauté culturelle au sens large, dont certains membres vivent à l'autre bout du pays, voire ailleurs dans le monde.

«Le traumatisme vicariant peut se propager, et encore plus avec les réseaux sociaux, car nous y sommes exposés à une telle ampleur», a indiqué le professeur.

Mais le deuil peut aussi être une expérience collective. M. Arbutyn a expliqué que les communautés peuvent y parvenir en honorant et en se souvenant de ceux qui sont morts, soit en leur rendant hommage lors de futurs événements culturels, soit en créant des sanctuaires ou des monuments commémoratifs respectueux.

Veillées et soutien

Des fleurs ont commencé à s'accumuler dimanche matin autour du périmètre de sécurité de la police sur les lieux de l'attaque à South Vancouver, et des veillées ont également été organisées en soutien à la communauté philippine locale. Le ministère de la Santé de la Colombie-Britannique a déclaré dans un communiqué mercredi qu'un «soutien immédiat» a été mis à la disposition des personnes touchées par la tragédie, tandis qu'il s'efforce de mieux comprendre quelles sont les ressources nécessaires. Cela comprend la mise en place de lignes d'assistance téléphonique en santé mentale, le soutien aux travailleurs de la santé et la mise à disposition d'un registre de condoléances à signer pour les résidents.

«Cet événement a été traumatisant pour toutes les personnes concernées et nous encourageons toute personne ayant besoin de soutien à demander de l'aide», a indiqué le ministère. «La réponse à cet événement traumatisant se poursuit et nous continuerons de tenir les gens informés de la situation.»

Des campagnes de financement ont été mises en place afin d'aider les familles des victimes, et le consulat général des Philippines à Vancouver a commencé à offrir du soutien au moyen d'une ligne d'assistance téléphonique nationale.

Trouver une nouvelle réalité

M. Abrutyn a expliqué qu'un traumatisme collectif peut entraîner de l'anxiété ou un trouble de stress post-traumatique, ainsi que des inquiétudes quant à une autre menace imminente, aussi improbable soit-elle.

S'il n'est pas traité, le deuil peut avoir des conséquences plus dévastatrices, a prévenu Heather Mohan.

«Lorsque les gens ne bénéficient pas du soutien nécessaire après un décès, ceux-ci peuvent internaliser le choc, ce qui devient un problème de santé mentale bien plus grave qu'il ne devrait l'être», a-t-elle affirmé.

Cela peut inclure la dépression, le suicide ou la toxicomanie et peut également entraîner des troubles physiques ou aggraver des maladies chroniques ou des douleurs, a-t-elle ajouté.

Leigh McCarley Blaney, professeure à l'Université de l'île de Vancouver et membre du Centre de recherche sur les traumatismes et la santé mentale, a souligné la nécessité du soutien communautaire, de l'expression émotionnelle et du maintien des pratiques culturelles pour se remettre des tragédies communautaires.

«La résilience ne signifie pas ne pas ressentir ou ne pas réagir, mais plutôt trouver des solutions pour surmonter ces événements terribles», a-t-elle souligné.

Cela peut se faire grâce à des groupes de soutien, des groupes confessionnels, du sport, des activités ou du bénévolat, a-t-elle précisé, ajoutant qu'une communication ouverte est essentielle.

«Il est important de reconnaître le deuil, le traumatisme et l'horreur causés par cet événement, et de se rappeler qu'il pourrait y avoir des voies à suivre au cours des prochaines années qui aideront les gens, non pas à accepter, ni à surmonter la situation, mais à trouver une nouvelle réalité et une nouvelle normalité.»

Mme Mohan a souligné que des cas comme celui du festival Lapu-Lapu mettent en lumière la nécessité d'instaurer des plans pour faire face aux conséquences à long terme du deuil et du traumatisme.

«Nous devons soutenir les personnes après ces tragédies, a-t-elle dit. Nous avons besoin que les gouvernements réagissent et élaborent des stratégies nationales et provinciales de soutien au deuil afin que, lorsque ces tragédies surviennent, les ressources soient en place et que les gens n'aient pas à se précipiter pour les rechercher, et que ces ressources soient en place au-delà de la semaine ou des deux semaines suivant l'événement.»

Brieanna Charlebois, La Presse Canadienne