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Le Conseil d'État suisse rejette la candidature d'Éric Bauce au rectorat

durée 13h24
18 janvier 2023
La Presse Canadienne, 2023
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Par La Presse Canadienne, 2023

MONTRÉAL — Les espoirs du Québécois Éric Bauce de devenir recteur de la prestigieuse Université de Genève, en Suisse, se sont éteints. Mercredi matin, le Conseil d'État de la Suisse a fait savoir, par communiqué, qu'il n'entérinerait pas la décision de l'Assemblée universitaire de nommer M. Bauce à la succession du recteur actuel, Yves Flückiger, censé quitter ses fonctions à la mi-juillet.

Ce faisant, la procédure de sélection pour nommer un nouveau recteur devra reprendre depuis le début. Rappelons que le processus initial s'était échelonné de juin 2022, date limite du dépôt des candidatures, à plus tôt ce mois-ci avec l'annonce de la nomination de M. Bauce. Celui-ci s'était démarqué des huit autres aspirants au poste, dont  le Belge Jean-Michel Rigo, de l'Université de Hasselt, et Jérome Lacour, doyen de la Faculté des sciences et candidat interne à l'Université de Genève.

Déjà, l'annonce d'un dirigeant étranger, nord-américain de surcroît, avait soulevé la controverse alors que plusieurs voix ont exprimé leur désir de voir un recteur suisse, ou à tout le moins européen, prendre les rênes de l'institution.

«En dépit des qualités du candidat et indépendamment de sa nationalité, le Conseil d'État ne peut entériner cette proposition dans le contexte actuel et au vu des enjeux et défis auxquels les hautes écoles suisses doivent faire face», a fait valoir l'institution dans son communiqué.

Le Conseil fait notamment état de «l'érosion des relations bilatérales entre la Suisse et l'Union européenne» et la situation internationale actuelle qui «engendre beaucoup d'inquiétudes» et laisse entendre que M. Bauce, parce qu'il n'est pas actuellement en Europe, n'a pas la connaissance des systèmes suisses nécessaires à cette sortie de crise.

«Dans ce contexte tendu, la coordination au niveau national doit être renforcée dans le but d'assurer les moyens nécessaires à la formation et la recherche. C'est une condition essentielle pour que les hautes écoles du pays restent concurrentielles», fait valoir l'organe gouvernemental, qui appuie sur la nécessité de détenir «une connaissance fine des mécanismes de financement de l'enseignement et de la recherche qui permettent la mobilisation des leviers institutionnels et politiques idoines» dans ce contexte, de même qu'une capacité de mobiliser un réseau «cantonal, national et international».

L'âge de M. Bauce, qui a 62 ans, semblait aussi problématique puisque le candidat aurait dû bénéficier d'une dérogation pour être nommé, en plus de ne pas pouvoir effectuer un deuxième mandat, ajoute le Conseil d'État.

Controverse

L'Assemblée de l'Université de Genève avait annoncé la sélection de M. Bauce, professeur à l'Université Laval, à Québec, par communiqué le 11 janvier dernier. Elle y faisait état du «projet fédérateur et porteur d'avenir» présenté par le candidat Bauce, «dans la continuité des efforts engagés par le Rectorat actuel, non seulement en matière d'excellence et de rayonnement de l'Université, mais également en faveur d'un progrès social, environnemental et écologique, en collaboration avec les acteurs politiques locaux et internationaux».

L'institution qualifiait aussi l'heureux élu de «personne au profil scientifique excellent», «possédant à la fois d'indiscutables capacités de gestion et de direction à haut niveau dans les institutions de recherche et d'enseignement, une grande capacité à mobiliser un réseau national et international et un engagement fort pour l'excellence académique».

Déjà, la possibilité de nommer un étranger faisait controverse. «L'Assemblée déplore les prises de position publiques et les ingérences dans un processus mené selon les dispositions légales, ainsi que la forte pression médiatique exercée durant la procédure. Ces pressions, inacceptables, violent l'autonomie de l'Université telle que prévue par la loi. En dépit de ces pressions, l'Assemblée a poursuivi son travail d’évaluation et a pris sa décision en toute indépendance», a souligné l'Université dans son communiqué.

En entrevue avec La Presse canadienne la semaine dernière, M. Bauce se disait bien au fait des voix discordantes face à sa nomination. 

«Je peux comprendre les inquiétudes et les appréhensions qui ont été exprimées, mais je respecterai la décision qui sera prise, avait-il alors déclaré. Je suis néanmoins extrêmement honoré d'avoir été choisi par l'université.»

Au moment d'écrire ces lignes, une réaction de M. Bauce à la décision du Conseil d'État était attendue par La Presse Canadienne.

M. Bauce est professeur titulaire au Département des Sciences du bois et de la forêt depuis 1989 à l'Université Laval, où il oeuvre à la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique. Il a tenté par deux fois d'accéder au rectorat de son alma mater, dont il détient un baccalauréat en génie forestier et une maîtrise en entomologie forestière. Il s'est aussi vu décerner un doctorat honorifique par l'Université de Bordeaux en 2015.

Il a toutefois occupé les fonctions de vice-doyen recherche et études supérieures à sa faculté, de septembre 1998 à juin 2007, en plus d'avoir été vice-recteur exécutif et au développement de l'Université Laval entre juillet 2007 et juillet 2017. M. Bauce a aussi été vice-recteur administration et finance de janvier 2009 à janvier 2010.

Le prochain mandat au rectorat s'étendra sur les années 2023 à 2027. Advenant que le processus de sélection du nouveau recteur n'empiète sur ce mandat, le recteur sortant devra demeurer en poste.

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Cette dépêche a été rédigée avec l'aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.

Marie-Ève Martel, La Presse Canadienne