Le THC pourrait nuire à la qualité des embryons, prévient une étude


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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — L'ingrédient psychoactif du cannabis pourrait interférer avec les efforts de fécondation in vitro en augmentant le nombre d'embryons qui ont un nombre incorrect de chromosomes, prévient une étude signée par une chercheuse québécoise.
Les auteurs de l'étude ont constaté une association non seulement entre les concentrations de THC et une augmentation des taux de maturation des ovules, mais aussi avec un nombre réduit d'embryons ayant le bon nombre de chromosomes ― un facteur déterminant pour un développement réussi.
«Le nombre de chromosomes est quand même assez essentiel pour pouvoir obtenir un embryon qui pourrait être transférable», a rappelé la chercheuse Cyntia Duval, qui a complété son doctorat au CHU Sainte-Justine avant d'aller poursuivre ses travaux à l'Université de Toronto.
«Au niveau de la fécondation in vitro, il faut s'assurer le plus possible que l'embryon qui sera peut-être éventuellement transféré ait le bon nombre de chromosomes si on veut espérer une grossesse viable.»
À quoi bon, a résumé Mme Duval, avoir un plus grand nombre d'ovules matures s'ils ne comptent pas le bon nombre de chromosomes?
L'étude ne s'est pas intéressée à l'impact de la consommation de cannabis sur les chances d'une fécondation naturelle réussie.
Lors de leurs travaux, Mme Duval et ses collègues ont analysé un millier d'échantillons de liquide folliculaire provenant de femmes ayant recours à la fécondation in vitro. Ils ont détecté du THC dans une soixantaine de ces échantillons.
Puis, lors d'expériences en laboratoire, les chercheurs ont exposé des ovocytes ― des ovules qui ne sont encore assez matures pour pouvoir être fécondés ― à des concentrations de THC similaires à celles décelées chez les patientes. Ils ont ensuite constaté un nombre plus élevé d'erreurs quant au nombre de chromosomes.
«Ces données fournissent des preuves convaincantes que la consommation de cannabis peut avoir un impact négatif sur la fertilité féminine», écrivent les auteurs dans la revue Nature Communications.
Il n'est pas possible, pour le moment, d'établir un lien de causalité direct entre l'exposition au THC et les problèmes de chromosomes, a prévenu Mme Duval. Des études animales ont toutefois trouvé qu'une exposition au THC nuit au développement des embryons, et des études humaines ont mesuré une certaine association entre les problèmes de fertilité et une consommation régulière de cannabis.
Mais chose certaine, les femmes qui ont recours à la fécondation in vitro ou qui l'envisagent n'auraient rien à perdre à éviter le cannabis pour maximiser leurs chances de succès, a ajouté Mme Duval.
Cette étude, a ajouté la chercheuse, vient en partie combler l'écart scientifique qui sépare les connaissances au sujet de la fertilité des hommes et celle des femmes. Pour des raisons évidentes d'accès à la matière première, il est ainsi beaucoup plus facile d'étudier l'impact sur cannabis sur les spermatozoïdes que sur les ovules.
La spermatogénèse, a rappelé la chercheuse, est un processus continu. On peut donc demander à un homme de cesser sa consommation de cannabis pendant quelques mois pour comparer son sperme «avant» et «après». Mais puisque les femmes naissent avec tous leurs ovules, il est essentiellement impossible de savoir si l'impact du THC s'estompe ou disparaît chez elles au fil du temps.
Il faut donc augmenter les recherches faites au niveau de la santé de la femme par rapport à ce qui est déjà connu et ce qui a été fait depuis des dizaines d'années au niveau de la spermatogénèse, a dit Mme Duval.
Quand on regarde la santé reproductive des femmes, il devient flagrant à quel point il y a très peu d'études qui sont faites tant c'est difficile, a-t-elle déploré.
«Ce n'est pas tous les jours qu'on a un don d'ovules ou qu'on a accès à ce matériel-là, a conclu Mme Duval. Avec cette étude je voulais armer les cliniciens d'observations directes de la fertilité humaine féminine (...) pour qu'ils basent leurs recommandations sur ce qui est connu.»
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne