Les anciens combattants autochtones ont dû relever de nombreux défis

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Par La Presse Canadienne, 2025
VANCOUVER — De nombreuses cérémonies se déroulent au Canada à l'occasion de la Journée nationale des vétérans autochtones.
Une cérémonie se déroule notamment à Wendake, dans la région de Québec.
L'historien Scott Sheffield dit que la journée met en lumière comment les soldats autochtones ont cherché à s'intégrer au sein de l'armée, malgré le racisme dont ils souffraient au pays.
Sur le site internet du ministère des Anciens Combattants, le gouvernement fédéral reconnaît que les soldats autochtones ont été injustement traités, même si ceux-ci espéraient que «leur service et leur sacrifice en temps de guerre amélioreraient leurs droits et leur statut au Canada».
Mais cela n'a pas été le cas. «Ce mauvais traitement a rendu leur retour à la vie normale encore plus difficile et a eu des effets physiques et sociaux durables sur les vétérans autochtones et leurs communautés», peut-on lire sur le site.
La Journée nationale des anciens combattants autochtones est née en 1993 à Winnipeg. Elle est aujourd'hui reconnue dans l'ensemble du pays.
Scott Sheffield, un professeur agrégé d'histoire de l'Université de la Vallée du Fraser, dit qu'elle est «un prélude logique au jour du Souvenir [du 11 novembre]».
Il explique que les cérémonies du 8 novembre permettent de rappeler le respect mutuel et la camaraderie entre les soldats autochtones et non autochtones bien avant les efforts de réconciliation.
Le Pr Sheffield croit que ces expériences pourraient guider la réconciliation nationale en montrant la voie à une coexistence respectueuse.
Des expériences difficiles
Les soldats autochtones ont souvent vécu des expériences difficiles lors de leur retour au pays.
Par exemple: John Moses raconte que lorsque son père Russell Moses est revenu au pays après la Guerre de Corée, il n'avait pas laissé les conflits en Asie.
En 1952, on lui avait refusé l'accès à un bar de Hagersville parce qu'il était autochtone.
«Ce n'est pas la seule fois», souligne John Moses, lui même un membre des Forces armées canadiennes de la troisième génération.
Son grand-père Ted Moses était mécanicien au sein de l'Aviation royale canadienne au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Et son père a servi dans la marine avant de joindre les rangs de l'Aviation royale pendant la Guerre de Corée.
«L'ironie de la situation n'avait pas été perdue pour ces anciens combattants», mentionne M. Moses, ancien directeur du rapatriement et des relations avec les autochtones au Musée canadien de la guerre.
«Après s'être battus à l'étranger pour la souveraineté de petites nations outre-mer, ils sont revenus au pays où ils n'avaient pas les mêmes droits civiques et politiques des autres Canadiens.»
Le Pr Sheffield dit que plusieurs personnes se demandent pourquoi des Autochtones ont choisi de se battre pour un pays qui les avait marginalisés.
Les raisons peuvent varier, répond le professeur. Comme plusieurs autres soldats, plusieurs Autochtones se sont portés volontaires pour l'aventure et pour des raisons économiques.
Toutefois, pour certains, ce choix est politique.
«En s'enrôlant, ils se déclaraient comme des membres entiers de la société canadienne», lance le Pr Sheffield.
Par exemple, Tommys Price, l'un des soldats canadiens les plus décorés de la Deuxième Guerre mondiale. «Il est allé à la guerre pour prouver qu'un Autochtone pouvait être un aussi bon soldat qu'un Blanc, raconte l'universitaire. Il a servi pendant toute sa carrière en portant ce fardeau. Il voulait se prouver qu'il était un superbe soldat, ce qu'il a accompli avec éclat, mais c'était en partie pour prouver un point.»
À la guerre, les soldats autochtones ont pu s'éloigner des préjudices auxquels ils devaient quotidiennement faire face au pays.
«Quand on partage une tranchée avec un gars, si l'on est persuadé qu'il peut nous protéger, alors on ne se préoccupe que de son caractère, dit le Pr Sheffield. C'est quelque chose que les soldats autochtones chérissaient. Ils ont gagé le respect par leur caractère, par leur habileté. C'est ce qu'ils ont retiré de cette expérience.»
Mais cette camaraderie semblait s'éteindre au retour au pays.
«Ils s'attendaient à continuer à être acceptés après la guerre. Ce fut une profonde désillusion parce qu'ils n'étaient plus que des Autochtones en abandonnant l'uniforme.»
Plusieurs anciens combattants autochtones de la Deuxième Guerre mondiale ont rempilé en Corée. «Peut-être dans l'espoir de ressentir de nouveau le sentiment d'être acceptés», avance le Pr Sheffield.
Le gouvernement fédéral mentionne que plus des 4000 Autochtones se sont enrôlés pendant la Première Guerre mondiale. Dans certaines régions, un homme sur trois aptes au combat s'est porté volontaire.
Ils étaient plus de 3000 à s'enrôler pendant la Seconde Guerre mondiale.
Mais le Pr Sheffield croit qu'il y en avait en réalité 4300. «Rien n'indiquait l'ethnie ou la race de la recrue dans les dossiers», dit-il.
Brieanna Charlebois, La Presse Canadienne