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Les dangers de la marijuana pour le cœur se précisent

durée 11h08
5 mars 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

3 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — La consommation de marijuana, même occasionnelle, augmenterait le risque d'incident cardiovasculaire, prévient une nouvelle étude qui départage pour une première fois ce risque de celui associé au tabagisme. 

Cette conclusion découle de l'analyse des réponses fournies par quelque 434 000 participants à une enquête menée par les Centres de prévention et de contrôle des maladies des États-Unis. 

Et même si les données sont autorapportées par les sujets, ce qui ouvre inévitablement la porte à un certain biais, l'étude est intéressante parce que les consommateurs utilisent souvent à la fois du tabac et de la marijuana, a rappelé le docteur François Simard, cardiologue clinicien à l'Institut de cardiologie de Montréal. 

«On regarde s'ils ont des événements cardiovasculaires dans le futur, et on remarque que oui, le risque est augmenté, a-t-il dit. Mais on se demande tout le temps, est-ce que c'est juste parce qu'ils ont utilisé la cigarette? Et puis que finalement, la marijuana est juste une substance qui n'a pas nécessairement un lien dans tout ça?» 

La nouvelle analyse démontre plutôt que toute utilisation du cannabis augmente le risque d'infarctus du myocarde ou d'accident vasculaire cérébral, même parmi les utilisateurs n'ayant jamais fumé de tabac. Le risque augmentait en fonction de la fréquence d'utilisation du cannabis. 

«Nous avons constaté que, après contrôle des facteurs de confusion potentiels, la consommation de cannabis a un fort effet indépendant dans la population générale et une forte association avec les événements cardiovasculaires, indépendamment des effets de la consommation de cigarettes de tabac et de cigarettes électroniques», écrivent ainsi les auteurs. 

Plus spécifiquement, une consommation quotidienne de marijuana augmentait le risque de maladie coronarienne de 16 %, le risque de crise cardiaque de 25 % et le risque d'AVC de 42 %. Le risque global d'incident cardiovasculaire grimpait de 28 %. 

«(Ce qui est nouveau avec cette étude, c'est) qu'elle a tassé les gens qui prenaient de façon concomitante de la cigarette, et elle a pris seulement des gens qui ont rapporté (consommer) de la marijuana, a dit le docteur Simard. (Les auteurs) ont remarqué que ces gens-là ont un risque cardiovasculaire plus augmenté avec le temps. C'est une des premières fois que ce discernement qui est fait.» 

L'étude, poursuit-il, «vient rajouter un argument suffisant pour au moins dire aux gens, attention, il ne faut pas prendre (le cannabis) à la légère, probablement qu'il influence votre risque cardiovasculaire (...). L'étude lève un drapeau et dit, faites attention, ça confirme nos premiers soupçons.» 

La fumée du cannabis et la fumée du tabac se ressemblent étroitement, rappellent les auteurs de l'étude, et la principale différence entre les deux concerne la substance qui cause la dépendance: le THC pour la première et la nicotine pour la deuxième. 

«Toutes les autres substances qui sont néfastes pour le cœur, mais aussi pour le risque de cancer et tout, sont inhalées par les patients», a confirmé le docteur Simard. 

Les données de l'étude sont d'autant plus pertinentes, selon ses auteurs, que l'usage de la cigarette recule pendant que celui de la marijuana gagne en popularité ― une tendance qui est possiblement associée à la perception de «banalité» qui entoure le cannabis. 

La réalité sur le terrain est pourtant bien différente, prévient le docteur Simard. 

«Je travaille à l'unité coronarienne et je vois des patients qui ont des infarctus, puis des fois en très jeune âge, a-t-il raconté. On essaie de creuser: c'est quoi le facteur de risque? Qu'est-ce qui aurait pu déclencher tout ça? Puis des fois, le seul élément que je remarque c'est finalement qu'ils consomment du cannabis. 

«C'est sûr que c'est plutôt anecdotique, c'est mon expérience à moi, mais je parle à des collègues, puis tout le monde a des cas comme ça. (...) C'est une question de temps, je pense, avant que les études ne démontrent clairement le lien.» 

Les conclusions de cette étude ont été publiées par le Journal of the American Heart Association. 

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne