Québec solidaire réclame l'amorce de consultations pour un filet social pour artistes


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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — «On a besoin d'un filet social. 80 % des artistes que je connais meurent de faim, ont besoin de trouver un autre emploi, ont de la misère à gérer leur famille à la maison, à payer leur loyer, c'est une réalité.» Ines Talbi, comédienne, metteuse en scène, réalisatrice, autrice-compositrice-interprète est bien placée pour décrire la triste réalité financière des artistes québécois.
Aucune surprise de la voir, donc, ce mardi, avec d’autres artistes aux côtés des députés de Québec solidaire venus demander au ministre de la Culture, Mathieu Lacombe, de passer de la parole aux actes et de planter les premiers jalons en vue de créer un véritable filet social pour les artistes.
C’est au Théâtre du Nouveau Monde, fraîchement rénové au centre-ville de Montréal, que les députés solidaires responsables de la culture, Sol Zanetti, et du travail, Alexandre Leduc, ont pris le ministre au mot, lui qui avait affirmé il y a un peu moins de deux semaines que le temps d’un tel filet social est venu.
«C'est une urgence»
«Aux études de crédit, Manon Massé a questionné le ministre Lacombe à savoir s'il était d'accord qu'il fallait un filet social au Québec. Il a dit qu’effectivement, on était rendu là. Pour moi, ça veut dire qu' il y a une reconnaissance que c'est important. Maintenant, on vient dire au ministre de la Culture du Québec, prenez vos responsabilités, faites l'état des lieux et, basé là-dessus, on va faire des recommandations et des propositions pour le Québec», a avancé Sol Zanetti.
«La question du filet social des artistes, c'est une urgence, les milieux des arts en parlent depuis longtemps», a-t-il poursuivi, avertissant que «si on ne trouve pas une solution pour ça, on va laisser les artistes du Québec dans la misère et ça va nuire au milieu des arts en général».
«Les chiffres font de la peine en ce moment, a renchéri Alexandre Leduc. Un artiste fait en moyenne 26 000$ par an au Québec alors qu'à Montréal même, selon l'IRIS, pour vivre décemment, il faut 40 000 $, presque le double du revenu moyen des artistes du Québec. Les artistes, les créateurs, comédiens, comédiennes, ce sont des travailleurs, des travailleuses. Ils ont droit à des conditions de travail, des conditions de création décentes.»
Assurance-emploi sur mesure
Québec solidaire et la demi-douzaine d’artistes venus les soutenir, pressent le ministre Lacombe d’organiser des consultations auprès du milieu, dont la diversité des activités oblige à écarter les solutions mur à mur. Mais la formation politique n’en suggère pas moins, comme point de départ, une forme d’assurance-emploi taillée sur mesure, comme Ottawa l’a fait dans le domaine de la pêche, par exemple.
Certes, Ottawa s’est déjà avancé sur cette possibilité par la voix de son ministre de l'Identité et de la Culture canadiennes, Steven Guilbeault, mais Sol Zanetti se méfie de l’approche fédérale. «On doit établir quelque chose qui nous est propre, qui ressemble et qui va répondre vraiment aux besoins de la culture aujourd'hui. Et ça, c'est le ministre de la Culture du Québec qui doit établir ça, faire cette consultation.»
Une chose est claire, toutefois, même si l’on parle d’un régime «d’assurance», il est hors de question de financer un tel régime par le prélèvement de cotisations auprès des artistes qui, justement, n’ont rien, abstraction faite d’une infime minorité dont les revenus leur permettent de vivre confortablement de leur art.
Ne pas laisser Ottawa agir seul
D’une part, dit Sol Zanetti, le ministre Lacombe doit sauter sur toute offre fédérale pour prendre lui-même le contrôle d’un éventuel régime: «En ce moment, on parle de filet social au Québec. Ils en parlent aussi au Canada, mais je ne veux pas que le ministre de la Culture laisse passer le train et qu’il se dise: «ah, le Canada va s'en charger». Non, s'il fait ça, ça va être une grosse erreur. Il faut consulter le milieu québécois et qu'on ait quelque chose qui corresponde vraiment à nos réalités.»
Et, sans surprise, il parle également de nouvelles sources de revenu pour financer le tout, soit «l'impôt sur la fortune des milliardaires et puis les taxes sur les GAFAM (les géants du web)».
Ines Talbi, elle, rappelle que les artistes ne montent pas sur scène pour devenir riches: «C'est un métier de passion. Il faut vraiment comprendre qu'on est en bas de l'échelle du salaire de toutes les productions.»
«On a besoin de trouver une manière de nous sauver parce que c'est ce qu'on a de tellement important au Québec, la culture. C’est ce qui nous raconte, c’est ce qui nous dit, c’est ce qui nous fait vivre, ce qui fait qu'on rentre à la maison et qu’on a une espèce de soupape aussi», plaide-t-elle avec, justement, beaucoup de passion.
Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne