Un groupe clame une victoire judiciaire dans une affaire de thérapie psychédélique


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Par La Presse Canadienne, 2025
OTTAWA — Un groupe à but non lucratif qui milite pour l'accès aux thérapies utilisant des substances psychédéliques a remporté une bataille judiciaire après des années de lutte contre Santé Canada. L'organisation estime que cette bataille est loin d'être terminée.
«Il y a un tournant sociétal évident ici, un tournant où le public, les cliniciens et, bien sûr, certains secteurs du gouvernement prennent conscience de l'efficacité des substances psychédéliques», a déclaré John Gilchrist, directeur des communications de TheraPsil.
TheraPsil a obtenu des exemptions en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances en 2020, permettant à 19 professionnels de la santé de suivre une formation expérientielle impliquant la prise de champignons contenant de la psilocybine, aussi appelés champignons magiques.
En 2022, TheraPsil a demandé des exemptions pour 93 autres professionnels de la santé afin d'élargir l'accès à la psychothérapie assistée par psilocybine. Santé Canada a rejeté la demande.
L'affaire a été portée devant la Cour d'appel fédérale à la fin de l'automne dernier, qui a statué en juin que le ministre de la Santé n'avait pas justifié le refus de la deuxième série d'exemptions. La Cour a ordonné au gouvernement de prendre une nouvelle décision.
Les trois juges ont écrit que «le changement de politique entre 2020 et 2022 et l'appréciation par le Ministre des facteurs pertinents sont notables, voire abrupts, et appellent des explications».
John Gilchrist a affirmé que le groupe était prêt à poursuivre le combat devant les tribunaux si nécessaire.
«Les gens réclament à cor et à cri la consommation de substances psychédéliques, et de nombreux Canadiens le font simplement de manière clandestine, entre guillemets», a-t-il avancé, soulignant qu'en plus des dizaines de détaillants en ligne, il existe des magasins physiques dans de nombreuses villes qui vendent des champignons magiques.
«Cela signifie donc que les patients entreront dans la clandestinité et tenteront de solliciter le soutien de praticiens pour consommer des (substances) psychédéliques en dehors du cadre du programme d'accès spécial de Santé Canada. Ou bien ils le feront tout seuls, ce que nous ne souhaitons absolument pas. Et Santé Canada ne le souhaite certainement pas non plus.»
Une forme de thérapie à l'étude
Santé Canada a approuvé plus de 300 exemptions ces dernières années pour permettre aux personnes de suivre une thérapie assistée par la psilocybine. Cette forme de thérapie est à l'étude au Canada pour son utilisation en fin de vie et pour le traitement de certains troubles de santé mentale, notamment la dépression résistante aux traitements et les troubles liés à la consommation de substances.
TheraPsil estime que l'expérience des effets de la drogue est essentielle pour que les professionnels de la santé puissent accompagner les personnes dans cette expérience.
Une porte-parole de la ministre de la Santé, Marjorie Michel, n'a pas répondu aux questions concernant une nouvelle décision de la ministre dans cette affaire ou l'intention du gouvernement de faire appel.
Un porte-parole de Santé Canada a affirmé dans une déclaration envoyée par courriel que la décision d'accorder une exemption «se fonde sur des preuves suffisantes pour justifier l'utilisation demandée, notamment les renseignements sur le médicament dont disposait le programme d'accès spécial au moment de la demande, ainsi que des preuves des avantages pour le patient, compte tenu de ses antécédents médicaux».
M. Gilchrist, de TheraPsil, a expliqué que le combat judiciaire en cours présente des parallèles avec la légalisation du cannabis médical.
«D'abord sont venus les patients, puis les médecins, puis les tribunaux, et finalement, le gouvernement doit céder», a-t-il argué.
Changements politiques autour de la drogue
Le Canada a été l'un des premiers pays à légaliser le cannabis médical en 2001. Santé Canada a commencé à accorder des exemptions en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances en 1999.
L'industrie était étroitement réglementée, avec des restrictions sur le type de produits pouvant être utilisés et sur les personnes autorisées à les cultiver. Les patients souhaitant consommer du cannabis médical ont fait pression sur les tribunaux pour élargir l'accès.
Une décision de la Cour suprême de 2015 a jugé inconstitutionnel de n'autoriser les patients à accéder qu'au cannabis séché. Une décision de la Cour fédérale de 2016 a invalidé les règles limitant l'accès aux producteurs autorisés et a conduit à un nouveau cadre permettant aux gens de produire leur propre cannabis.
Le gouvernement de l'ancien premier ministre Justin Trudeau a légalisé le cannabis à des fins récréatives à l'automne 2018.
Eugene Oscapella, avocat qui enseigne la politique des drogues à l'Université d'Ottawa, a déclaré qu'il y avait eu un changement dans la politique gouvernementale à l'égard des drogues, comme la psilocybine au cours des 15 dernières années.
Il a salué le rôle joué par les chercheurs, notamment ceux de l'Association multidisciplinaire pour les recherches psychédéliques aux États-Unis, dans ce changement.
«Je pense que nous constatons aujourd'hui une volonté croissante d'examiner d'autres substances qui ont été, et j'utilise ce terme délibérément, diabolisées au fil des décennies comme étant illégales, dangereuses et nocives», a-t-il analysé.
M. Oscapella faisait partie de la coalition qui a déposé la première demande d'accès médical au cannabis en 1997 et a déclaré que cela avait en quelque sorte précédé le débat actuel sur les substances psychédéliques.
«L'objectif sociétal devrait être d'examiner les avantages potentiels. Comment maximiser les bénéfices potentiels de l'accès à ces substances tout en minimisant les risques potentiels?» a soutenu l'expert.
TheraPsil indique que sa liste d'attente s'allonge, tant pour les patients potentiels souhaitant essayer une thérapie assistée par la psilocybine que pour les professionnels de la santé souhaitant se former. M. Gilchrist a déclaré que cette affaire judiciaire est «plus qu'un simple procès pour nous».
«Cette affaire porte sur la question de savoir si le Canada est prêt à soutenir une voie sûre, légale et empreinte de compassion vers une thérapie psychédélique, fondée sur des bases scientifiques et éthiques», a-t-il pointé.
Sarah Ritchie, La Presse Canadienne