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Une grossesse jeune peut écourter la vie de la mère, dit une étude ontarienne

durée 23h08
14 mars 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Par La Presse Canadienne, 2024

Les femmes qui ont été enceintes à l'adolescence sont plus susceptibles de mourir avant l'âge de 31 ans que celles qui n'ont pas eu de grossesse à l'adolescence, indique une étude ontarienne qui réclame davantage de programmes pour soutenir les jeunes vulnérables et leurs enfants.

L'étude portant sur 2,2 millions de femmes âgées de 12 à 19 ans a montré que le risque de décès prématuré était 1,5 fois plus élevé chez celles qui avaient eu une grossesse à l'adolescence et 2,1 fois plus élevé chez celles qui avaient eu au moins deux grossesses à l'adolescence – le risque étant particulièrement prononcé chez les adolescentes ayant vécu une grossesse avant l’âge de 16 ans.

Ces résultats sont tirés d'une analyse des données de santé anonymisées de toutes les personnes résidentes de la province entre avril 1991 et mars 2021. Plus de 163 000 femmes de ce groupe sont tombées enceintes à un âge médian de 18 ans, la plupart d'entre elles ayant subi un avortement provoqué, et 60 000 ayant accouché.

L'étude, publiée jeudi dans JAMA Network Open, montre que les adolescentes dont la grossesse s'est terminée par un avortement provoqué couraient un risque un peu plus élevé de décès prématuré, tandis que le risque était encore plus grand pour celles qui avaient accouché ou fait une fausse couche. L'étude a pris en compte des facteurs tels que le revenu, le niveau d'éducation et les comorbidités.

De jeunes mères se méfient du système de santé

La Dre Ashley Vandermorris, pédiatre du programme Young Families de l'Hospital for Sick Children de Toronto et l'une des auteurs de l'étude, a indiqué que les adolescentes ayant deux grossesses ou plus couraient deux fois plus de risques de décès prématuré pour diverses causes, incluant les blessures induites et involontaires.

Le programme, qui comprend également une infirmière praticienne, une infirmière autorisée et deux personnes en travail social, soutient les mères adolescentes et leurs enfants jusqu'au deuxième anniversaire de leur enfant.

L'équipe gère toutes les maladies chroniques et propose une éducation sur la parentalité, la nutrition, la planification des naissances et l'alphabétisation de la petite enfance, a souligné Mme Vandermorris, ajoutant qu'elle établit également un lien entre les familles et les services communautaires qui pourraient aider en matière de logement et de garderie.

Cependant, de nombreuses jeunes mères se méfient des prestataires de soins de santé en raison de leurs expériences passées, a-t-elle expliqué.

«Nous entendons souvent parler de jugements sociétaux, de stigmatisation et de préjugés à l'égard de ces adolescentes en ce qui concerne leurs décisions en matière de parentalité, même si elles font souvent preuve d'une résilience remarquable.»

Les adolescentes qui tentent de répondre aux besoins de développement de leurs enfants tout en continuant à se forger elles-mêmes peuvent avoir grandi dans la pauvreté et avoir subi des facteurs de stress, notamment des abus physiques, sexuels ou émotionnels, la violence domestique, la consommation de substances et la maladie mentale à la maison, a déclaré Mme Vandermorris.

Ces premières expériences pourraient être fortement associées à des rapports sexuels non protégés, à une grossesse chez les adolescentes et à une moindre probabilité de terminer leurs études secondaires, a-t-elle ajouté.

Cependant, il est peu probable que les jeunes parents aient révélé ces difficultés à un prestataire de soins, surtout si ces personnes ont été confrontées à la stigmatisation et au racisme dans le système de santé, a déclaré Mme Vandermorris.

L’une des limites répertoriées de l’étude est qu’elle n’a pas exploré la race ou l’origine ethnique en tant que contributeurs à l’association entre la grossesse chez les adolescentes et la mort précoce. Les chercheurs ont affirmé qu’ils ne disposaient pas d’une source de données pour cette information et qu’ils ignoraient les raisons pour lesquelles cela serait lié à un décès prématuré, mis à part le fait de savoir que certains groupes racialisés connaissent des taux plus élevés de désavantage économique et de racisme structurel.

Agir à temps

L'un des messages clés de l'étude est que la grossesse chez les adolescentes peut être une occasion d'identifier les personnes les plus susceptibles de mourir prématurément et de leur fournir des soutiens qui pourraient changer leur vie, y compris une chance de terminer leurs études secondaires, a-t-elle déclaré. Elles peuvent ensuite passer aux services communautaires proches de chez elles.

Cependant, ces services ne sont peut-être pas disponibles partout, a souligné Mme Vandermorris.

«Nous plaidons fermement en faveur d'un meilleur accès à ce type de modèle complet de soins dans les communautés où nous savons que les taux de grossesse chez les adolescentes sont plus élevés, a-t-elle déclaré. Ce genre de travail s'effectue mieux au sein d'une équipe interdisciplinaire. Ce n'est pas réalisable dans un cabinet de médecin de famille qui fonctionne de manière indépendante.»

Gillian Thompson, infirmière praticienne au sein du programme pour les jeunes familles, a déclaré que de nombreuses mères adolescentes hésitent à accéder aux services parce qu'elles craignent que leurs enfants ne soient retirés de leur garde si elles sont jugées comme des parents inaptes.

«Les traumatismes constituent une part importante, ainsi que les traumatismes intergénérationnels. Et leurs expériences en matière de protection de l'enfance n'ont pas toujours été protectrices», a-t-elle indiqué.

Les taux de grossesse chez les adolescentes diminuent régulièrement au Canada en raison d'une plus grande disponibilité de services de planification des naissances et de santé sexuelle.

Les données de Statistique Canada sur les taux de fécondité des personnes âgées de 15 à 19 ans, basés sur les naissances vivantes pour 1000 femmes, montrent que le taux global a diminué à 4,4 en 2022, contre 6,7 en 2018.

La Colombie-Britannique a déclaré le taux de fécondité le plus bas dans ce groupe d'âge, à 2,7 en 2022 contre 3,7 en 2018. Le Nunavut avait le taux de fécondité des adolescentes le plus élevé au pays, soit 67,2 naissances vivantes pour 1000 femmes, contre 101 en 2018.

Le Québec avait un taux de fécondité dans ce groupe d'âge de 4,2 en 2022, comparativement à 5,6 en 2018. Le taux de l'Ontario était de trois, comparativement à près de cinq en 2018.

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Camille Bains, La Presse Canadienne