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Une plaque pour souligner les efforts du Canada pour évacuer les Afghans fait jaser

durée 08h44
17 janvier 2023
La Presse Canadienne, 2023
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2023

OTTAWA — Affaires mondiales Canada prévoit installer une plaque commémorant l'évacuation par le Canada des Afghans et du personnel de l'ambassade lorsque la capitale, Kaboul, est tombée aux mains des talibans, mais certains croient que cela envoie le mauvais message.

La plaque, d'un coût de 10 000 $, a été approuvée dans un mémorandum de juillet 2022 que La Presse canadienne a obtenu grâce à une demande d'accès à l'information

Elle rend hommage à «tous les employés du gouvernement du Canada qui ont contribué à cet effort héroïque».

Le ministère a dit avoir dévoilé l'hommage lors d'une cérémonie en octobre et prévoit l'installer une fois les rénovations de son siège terminées.

La sénatrice conservatrice Salma Ataullahjan s'est dite déconcertée par cette décision.

«C'est totalement inapproprié, compte tenu de la façon dont nous avons malmené la sortie», a-t-elle déploré en entrevue depuis son Pakistan natal, où, dit-elle des enfants afghans mendient dans les rues.

«Pour moi, cela me semble inutilement inapproprié et insensible quand je pense à ce qui se passe en Afghanistan, a-t-elle soutenu. De quoi nous félicitons-nous?»

La plaque décrit le rôle du Canada dans l'évacuation chaotique de Kaboul en août 2021, lorsque les talibans ont pris le contrôle de l'Afghanistan. «Au cours des semaines précédentes et de celles qui ont immédiatement suivi, une opération complexe s'est déroulée dans des conditions extrêmement dures, dangereuses et en évolution rapide pour aider des milliers de citoyens canadiens, de résidents permanents du Canada et d'Afghans à fuir vers la sécurité», peut-on lire.

Une évacuation «beaucoup trop» rapide

L'an dernier, une commission parlementaire spéciale a étudié en profondeur son déroulement.

Les députés ont appris que le Canada avait évacué son ambassade avant ses pairs. Il fut alors presque impossible pour les groupes d'anciens combattants canadiens d'aider à mettre en sécurité les interprètes afghans avec lesquels ils avaient travaillé.

Le dernier commandant du Canada à Kandahar pendant la guerre en Afghanistan, le major général à la retraite Dean Milner, a déclaré que le personnel de l'ambassade était parti «beaucoup trop vite». Il a ajouté que c'est en partie la raison pour laquelle «nous n'avons réussi à retirer peut-être qu'environ 15 à 17 % de ces interprètes importants qui ont combattu à nos côtés».

Le rapport de juin dernier relate que le comité a également entendu parler de lacunes dans le processus de réinstallation du Canada, qu'il a jugé «complexe sur le plan administratif et logistique». Des témoins ont décrit une mauvaise communication, une dépendance excessive au courrier électronique et l'obligation pour les personnes essayant de fuir le pays d'accéder aux documents avec une version professionnelle d'Adobe Acrobat.

Le Canada était alors en pleine campagne électorale: le premier ministre Justin Trudeau a déclenché les élections fédérales de 2021 le jour de la chute de Kaboul.

Le chef d'état-major de la défense, le général Wayne Eyre, avait témoigné que les règles restreignant le travail du gouvernement pendant les élections limitaient la capacité du ministère de la Défense à communiquer publiquement.

Un «manque de planification»

La députée néo-démocrate Jenny Kwan, qui siégeait au comité, a reconnu que les fonctionnaires et les soldats canadiens qui mettent leur vie en jeu pour aider les gens devraient être commémorés, mais pas pendant que l'Afghanistan souffre d'un tumulte continu.

«Il s'agit du manque de planification et de réflexion que le gouvernement avait mises dans cette (évacuation)», a-t-elle expliqué.

«Je suis très consternée que le gouvernement libéral ait été occupé à trouver des moyens de se féliciter alors que les conséquences sont si graves pour les Afghans qui ont risqué leur vie et celle des membres de leur famille, qui ont aidé le Canada dans nos missions.»

Mme Kwan a soutenu qu'une plaque commémorant les Afghans qui ont servi le Canada serait plus appropriée.

Mme Ataullahjan a également mentionné que le coût de 10 000 $ lui semblait exorbitant, en particulier à une époque où le coût de la vie est si élevé.

Affaires mondiales Canada a déclaré avoir organisé une cérémonie le 26 octobre pour dévoiler la plaque, qui mesure environ 63 sur 67 centimètres.

«La plaque sera installée dans le hall de l'immeuble Lester B. Pearson une fois la rénovation de l'immeuble terminée», a écrit le porte-parole James Emmanuel Wanki.

«Les employés du gouvernement du Canada ont fait preuve d'un engagement exceptionnel dans des conditions difficiles et dans des circonstances extraordinaires. Ce fut une situation chargée d'émotion pour toutes les personnes impliquées et certaines portent encore ce poids à ce jour.»

M. Wanki a noté que le Canada tente toujours d'atteindre son objectif de réinstaller 40 000 Afghans, avec 28 345 personnes ayant atteint le Canada en date du 4 janvier.

Les cabinets de la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly et de la ministre de la Défense Anita Anand n'ont pas répondu à une requête de La Presse Canadienne.

Dylan Robertson, La Presse Canadienne